discours

Discours d’ouverture Atelier sur le renforcement du rôle des parlementaires des États membres de l’OIF dans le processus de l’examen périodique universel

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Monsieur le Représentant permanent de l’OIF à Genève et à Vienne,
Monsieur le Président du groupe des ambassadeurs francophones à
Genève,
Monsieur le Secrétaire général de l’Union interparlementaire (UIP),
Monsieur le Représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Je suis honoré d’être parmi vous ce matin, à Genève, dans ce lieu emblématique du Palais des Nations, à l’occasion de ce nouvel atelier parlementaire sur l’EPU.
Il s’agit de ma première participation à un événement de ce type, mais d’emblée, je ne peux que me réjouir de nous savoir tous ici rassemblés par l’attachement commun que nous portons à la défense des droits de l’Homme, à la démocratie parlementaire et à la Francophonie.

C’est grâce à de telles rencontres que la combinaison de ces trois valeurs finit par devenir presqu’une évidence. Elles marquent en effet dans nos esprits une conviction très forte, selon laquelle la Francophonie va de paire avec la promotion des droits fondamentaux. Francophonie et droits de l’Homme seraient ainsi deux pièces indissociables d’un triptyque, à laquelle se rajoute une troisième pièce : l’action des parlementaires.

Pour évident qu’il soit aujourd’hui, ce triptyque n’allait pas forcément de soi, aux origines de l’APF, qui s’appelait alors l’Association internationale des parlementaires de langue française.

En effet, ce qui a présidé à sa création, en 1967, ce n’était pas tellement la question des droits fondamentaux. C’était avant tout le partage du français. Senghor et les pères fondateurs étaient tout de même bien audacieux en voulant faire du français une finalité et l’objet-même d’une institution politique internationale, à une époque où le monde était divisé et le processus de décolonisation encore loin d’être inachevé. Mais plus qu’une fin, l’intuition de départ était aussi de faire du français un moyen. Un moyen d’échange et de dialogue entre des peuples pourtant bien différents. Cette intuition était assez ingénieuse, car le français a bien été ce vecteur essentiel de la coopération entre les peuples de l’espace francophones. Mais de quelle coopération parlons-nous, à la fin des années 1960 ?

Cette coopération était encore tenue à l’écart du champ « politique », et se limitait aux échanges interculturels et au développement de l’éducation, qui restent certes deux domaines essentiels de la Francophonie.

Il faut attendre plusieurs décennies pour que l’APF – et l’OIF aussi d’ailleurs –investissent pleinement le champ de la « Francophonie politique », et érigent en priorité le respect de la démocratie, de l’État de droit et des libertés publiques.
Dans les années 1990, ces deux institutions se sont en effet engagées dans un tournant majeur, avec l’adoption de la Charte de la Francophonie, la création du poste de Secrétaire général, la transformation de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) en Organisation internationale de la Francophonie (OIF) … sans oublier la Déclaration de Bamako en 2000, véritable point d’orgue de ce mouvement de politisation de la Francophonie. Alors que nous nous trouvons au Palais des Nations, je me dois d’ailleurs de saluer l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros Ghali, qui fut donc le premier Secrétaire général de la Francophonie, et qui a largement contribué à ce tournant politique des années 1990.

Parallèlement, les parlementaires francophones se sont inscrits dans cette même dynamique : l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française est devenue l’Assemblée parlementaire de la Francophonie en 1997. Et l’année suivante, elle adopte de nouveaux statuts qui lui reconnaissent l’objectif « de promouvoir la démocratie, l’État de droit et les droits de la personne ». Cette formulation n’a pas changé depuis 25 ans, et la question des droits de l’Homme s’est depuis imposée dans l’ordre du jour des différentes instances de l’APF. Par exemple, sa Commission des affaires parlementaires produit des études et des recommandations relatives aux libertés et aux droits fondamentaux. Sa Commission politique, quant à elle, effectue un examen régulier des situations politiques dans l’espace francophone. Il faut aussi citer le Réseau des femmes parlementaires, autre instance très active dans la promotion des droits de la personne, dont la création a permis de renforcer la lutte contre les discriminations faites à l’égard des femmes.

En 2011, notre Assemblée a pris une décision importante, permettant de faire du respect des droits de l’Homme plus qu’une valeur : un principe fondamental sur lequel on ne peut transiger. Sur proposition de mon prédécesseur, le sénateur Jacques Legendre, elle a en effet décidé de suspendre le Parlement syrien de l’APF, en raison des « violations massives des droits de l’Homme » perpétrés par le Régime de Damas. Permettez-moi à cette occasion de citer ses mots : « il est du devoir de notre Assemblée de condamner avec force ces manquements à nos principes fondamentaux qui ont atteint un niveau intolérable et de constater que le Parlement syrien s’est placé de lui-même en dehors de notre Assemblée en ne remettant en cause à aucun moment le processus répressif en cours. »

C’était alors une décision inventive et qui a fait jurisprudence, puisque les textes encadrant la procédure de suspension prévoyaient son application pour les seuls cas de ruptures de l’ordre constitutionnel. Depuis lors, l’APF a formalisé l’esprit de cette décision dans son mécanisme de vigilance, qui est sans doute l’instrument le plus pertinent dont l’APF dispose en matière de respect des droits humains. Il prévoit des sanctions graduées pour les membres de l’APF qui enfreindraient les principes démocratiques et les droits de l’Homme. Sur ce second point, le mécanisme connaît hélas des applications actuelles avec des mises sous alertes de plusieurs membres de l’APF où les droits de l’Homme sont menacés.

Si j’ai voulu présenter ce bref historique de la prise en compte progressive des droits de l’Homme au niveau de l’APF, c’est aussi pour rappeler que rien n’est acquis en la matière. La défense des droits fondamentaux est un processus itératif, que les parlementaires et tous les acteurs de la Francophonie doivent continuellement faire avancer.

Et c’est fort de cette conviction que je suis venu ici à Genève, afin de soutenir l’événement qui s’ouvre aujourd’hui. Je suis persuadé que cet atelier est un élément de plus, si ce n’est un élément indispensable, pour ancrer encore davantage le rôle des parlementaires dans la défense des droits de l’Homme, tant dans leurs fonctions de législateur que dans le contrôle de l’action du Gouvernement.

Avant même qu’elle n’ait commencé, j’oserai dire que cette édition 2022 de l’atelier parlementaire est déjà un succès, puisqu’un tel atelier n’a jamais rassemblé autant de participants, avec une trentaine de parlementaires et près de quinze pays représentés.

Ce succès doit être mis au crédit de la collaboration fructueuse que le Haut Commissariat, l’OIF, l’UIP et l’APF ont mise en place ces dernières années.
Je voudrais enfin nous féliciter de la dimension francophone de cet événement. Je crois qu’il s’agit là d’une réponse concrète aux appels de l’APF et de l’OIF en faveur du multilinguisme dans les organisations internationales. Avec un tel événement, nous démontrons que le bilinguisme de l’UIP et l’usage du français dans les instances onusiennes sont bien une réalité.

Je souhaite maintenant à toutes et tous d’excellents travaux aux cours de ces prochaines journées, et je forme le vœu qu’elles contribuent à faire vivre encore durablement le triptyque droits fondamentaux/Francophonie/démocratie parlementaire, ainsi que je l’évoquais au début de mon propos.

Je vous remercie.