XXVe réunion de la Sous-Commission « Réseau parlementaire de lutte contre les pandémies » (Visioconférence)

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Sous-Commission « Réseau parlementaire de lutte contre les pandémies »

La Sous-commission « Réseau parlementaire de lutte contre les pandémies » s’est réunie en visioconférence le 28 novembre 2025 pour débattre de sujets aussi divers que la couverture sanitaire universelle, l’hypertension artérielle, le Programme international de mobilité et d’employabilité francophone ou encore les médicaments contrefaits ou falsifiés. Les sections du Cambodge, du Canada, du Québec, du Rwanda et de la Suisse ont entendu les personnes suivantes :

Mme Elisabeth PAUL, Directrice du Centre de recherche "Politiques et systèmes de santé - santé internationale" de l’École de santé publique de l’Université libre de Bruxelles sur le sujet de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) qui vise à garantir que chacun accède aux services de santé nécessaires sans difficultés financières. Ce n’est pas un modèle unique, mais un objectif que chaque pays poursuit à son rythme. Pour y parvenir, il faut élargir l’accès et la qualité des soins, réduire les dépenses directes des ménages et définir un paquet de services essentiels financés collectivement. Selon l’OMS, l’indice mondial de couverture des services est passé de 45 en 2000 à 65 en 2015, puis 68 entre 2019 et 2021, montrant une progression lente. En revanche, la protection financière s’est détériorée : la proportion de la population confrontée à des dépenses de santé catastrophiques a augmenté de 9,6 % en 2000 à 13,5 % en 2019, soit plus d’1 milliard de personnes, et près de 2 milliards ont connu des difficultés financières liées à la santé.

Mme Paul a expliqué que les principaux défis concernent l’équité, les barrières sociales et non financières, la fragmentation des régimes et la définition des services prioritaires. Bien qu’il n’existe pas de solution universelle, les approches recommandées incluent l’universalisme progressif, le renforcement des soins de santé primaires et le développement de systèmes de santé résilients, essentiels pour la CSU comme pour la préparation aux pandémies.

M. Sébastien RUBIN, du service de néphrologie, transplantation, dialyse et aphérèses de l’université de Bordeaux sur le sujet de l’hypertension artérielle (HTA) qui est la maladie chronique la plus fréquente au monde, touchant 1,3 milliard de personnes, soit 1 adulte sur 3. Elle constitue le premier facteur de risque de mortalité, responsable d’environ 11 millions de décès évitables en 2019. Malgré sa gravité, elle reste insuffisamment dépistée (57 %) et mal contrôlée (23 %). L’HTA provoque de nombreuses complications : AVC, infarctus, insuffisance cardiaque et rénale, démence ou complications de grossesse.

M. Rubin a expliqué que la pression artérielle est fortement influencée par le mode de vie, en particulier la consommation de sel : près de 70 % du sel provient des aliments industriels. Des exemples comme les Yanomami qui sont un peuple indigène d’Amérique du Sud qui se nourrit sans apport sodé et sans HTA, montrent son rôle déterminant. Les politiques de réduction du sel ont démontré leur efficacité : au Japon, elles ont réduit la mortalité par AVC de 17,5 %, et en Corée du Sud, la baisse du sodium (–44 %) a contribué à une diminution de 74 % de la mortalité cardiovasculaire.

La méthode HEARTS de l’OMS propose une stratégie globale pour améliorer le dépistage, standardiser les traitements, faciliter l’accès aux médicaments et renforcer la prévention. Des programmes à grande échelle, en Inde ou en Chine rurale, ont confirmé que des approches structurées permettent d'améliorer nettement le contrôle de l’HTA. La maladie est pourtant facilement traitable grâce à des médicaments efficaces et peu coûteux, mais nécessite des politiques publiques fortes et coordonnées.

Mme LOPEZ-SUBLET, vice-présidente de la Société Française d’Hypertension Artérielle est intervenue sur l’HTA relié aux femmes et a expliqué qu’elles restent largement sous-diagnostiquées et sous-traitées, alors qu’elles contribuent fortement à la mortalité cardiovasculaire, première cause de décès féminin. Les risques varient selon les étapes de la vie : grossesse, post-partum et ménopause augmentent particulièrement la vulnérabilité. Les femmes présentent souvent des formes différentes de maladie coronarienne, avec moins de lésions calcifiées mais davantage de dysfonction microvasculaire, ce qui complique le diagnostic. Les symptômes d’infarctus sont aussi moins typiques que chez les hommes, entraînant des retards importants : en moyenne, les femmes tardent 30 minutes de plus à consulter, ce qui explique une mortalité plus élevée (9,6 % contre 3,9 % chez les hommes) et elles reçoivent moins souvent un traitement optimal ou un accès à la réadaptation. Ces inégalités sont accentuées par leur sous-représentation dans les études cardiovasculaires, alors même que 8 accidents cardiovasculaires sur 10 seraient évitables.

Pour améliorer la situation, les recommandations appellent à mieux dépister l’HTA féminine, prendre en compte l’histoire obstétricale et former les professionnels aux spécificités cardiovasculaires des femmes.

M. Slim KHALBOUS, Recteur de l’Agence Universitaire de la Francophonie a abordé le Programme international de mobilité et d’employabilité francophone (PIMEF), porté par l’AUF, qui a été lancé après plusieurs années de préparation. Il s’adresse dans un premier temps aux 1 000 universités et centres de recherche membres de la

Francophonie scientifique. Le programme propose des séjours internationaux de courte durée (1 à 4 mois) pour les étudiants de master, doctorants et étudiants en médecine, sous forme de stages académiques, en entreprise ou en laboratoire de recherche. Son principe repose sur la réciprocité : chaque établissement définit sa capacité d’accueil et peut envoyer un nombre équivalent d’étudiants dans le réseau.

Pour les sciences de la santé, le PIMEF apporte quatre contributions essentielles. D’abord, il renforce l’adaptabilité et l’employabilité des jeunes : au-delà des compétences cliniques, les mobilités développent la compétence interculturelle, valorisent les parcours et donnent accès à des ressources francophones et à des approches médicales diverses, y compris traditionnelles modernisées. Elles participent aussi au renforcement de la résilience des systèmes de santé francophones.

Ensuite, le programme vise à structurer davantage la coopération institutionnelle. M. Khalbous a indiqué qu’à l’heure actuelle, les échanges reposent souvent sur des relations individuelles; le PIMEF encourage une collaboration plus durable, la circulation des bonnes pratiques et la création de réponses communes aux défis sanitaires.

Troisième apport : une meilleure capacité à faire face aux crises sanitaires. Les pandémies exigent une collaboration internationale et interprofessionnelle. En effet, le PIMEF favorise l’apprentissage croisé entre disciplines (médecine, pharmacie, santé publique, biologie, etc.) et le décloisonnement des expertises.

Enfin, le programme contribue à l’harmonisation des cursus et à la reconnaissance mutuelle des diplômes, condition essentielle à la mobilité. L’AUF travaille avec des agences d’assurance qualité pour rapprocher les standards, comme l’illustre par exemple le cas de la Roumanie, devenue un pôle d’attractivité grâce à l’accréditation internationale de certaines facultés.

L’AUF s’appuie sur ses réseaux spécialisés (CIDMEF, réseau des pharmaciens francophones, réseau des écoles de santé publique) et sur sa connaissance fine des systèmes de formation du Sud pour sélectionner les établissements pilotes et garantir la qualité des mobilités. Le choix de séjours courts et de suivis hybrides répond aux contraintes des études de santé.

En conclusion, il a indiqué que la phase pilote, qui débutera en 2026, rassemblera 120 universités de 40 pays et proposera 800 mobilités. Le principal enjeu reste la pérennisation financière : amorcé grâce à la France et au Canada, le programme doit encore obtenir des engagements fermes des autres pays francophones. Une grille de participation est en cours de construction pour assurer un financement durable similaire au modèle européen.

M. Jean-Luc MBALA MWANISHA, Directeur de la Régulation et du Contrôle Pharmaceutiques de l’Autorité de Régulation et de Contrôle de la couverture santé universelle de la République Démocratique du Congo (RDC) est intervenu sur le thème de la criminalité pharmaceutique en RDC qui représente un défi majeur pour la santé publique et la sécurité sanitaire. Elle se caractérise par la circulation de médicaments falsifiés, contrefaits, périmés ou hors spécifications (PFQI), dont la prévalence est estimée entre 10 % et 50 % selon l’OMS. Ces produits entraînent des conséquences graves : intoxications, maladies non traitées, échecs thérapeutiques, décès prématurés et perte de confiance dans le système de santé. Sur le plan économique, le phénomène engendre un manque à gagner fiscal, affaiblit l’industrie pharmaceutique locale et augmente les dépenses liées aux traitements correctifs.

Il a précisé que les études menées en RDC révèlent des taux alarmants : par exemple, 59,5 % d’antipaludéens hors normes à Kinshasa en 2018, et des cas de médicaments sans principe actif (chloroquine, quinine, amoxicilline) circulant sur le marché. Les défis identifiés sont multiples : identification difficile des réseaux informels (44,3 %), faiblesse du cadre juridique (42,7 %), manque de pharmaciens (45 %), corruption (39,4 %) et insuffisance de collaboration institutionnelle (48,5 %). Les sanctions actuelles, peu dissuasives (3 mois à 2 ans de servitude pénale et faibles amendes), favorisent l’impunité, contrairement à des pays comme la France où les peines peuvent atteindre 5 ans de prison et 375 000 € d’amende.

Pour inverser la tendance, il recommande de renforcer les inspections et contrôles, améliorer la traçabilité des médicaments (codes QR, GS1), durcir et appliquer les sanctions, créer un parquet spécialisé, ratifier la Convention Médicrime, et intensifier la sensibilisation du public et des professionnels. En conclusion, il a indiqué qu’une volonté politique forte et une coopération internationale (OMS, INTERPOL) sont indispensables pour garantir des médicaments sûrs et protéger la population.